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UNE MINUTE... POUR REFLECHIR....

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YROUSHALAÏM (Francine Kauffmann)

YROUSHALAÏM (Francine Kauffmann)

YIROUSHALAÏM

J'ai, plantée dans le cœur, flambant comme une torche,

Une ville au nom si beau qu'on le dit à mi-voix.

J'ai au cœur une ville lovée sous mille toits,

Ployant sous mille amants, vibrant sous mille doigts.

Tant de fois déchirée et tant de fois perdue

Que sa chair en lambeaux craquant de toutes parts,

Lacérée par l'épée, brandie en étendard,

Claque au vent de l'Orient comme un oiseau meurtri.

Et quand le soir est d'or et que la nuit descend

Sur des bruissements d'ailes et des rires d'enfants,

Ma ville miraculée m'ouvre ses rues profondes,

Flottant sur le désert, dévalant les rochers,

S'incrustant dans la pierre, plongeant dans les vallées,

S'arrêtant essoufflée aux pieds d'une muraille

Où cent respirations se noient dans la rocaille

Et s'exhalent apaisées dans la nuit de cristal.

Et je sens battre en moi mille générations.

Et mon sang devient lait. Mon ombre me recouvre.

Le Temps sèche à mes pieds sur le sable collé.

Le Messie est aux portes. L'Histoire est consommée.

Enfin!

Dormir enfin! Laisser les lendemains à d'autres qu'à nous-mêmes.

S'oublier.

Se coucher dans le rang des nations.

Mais l'ange me réveille. J'étouffe sous le rocher.

Des morts sortent de terre à quelques pas de moi.

Je laboure ma joue, sans voix je désespère,

Je tords mes cheveux, rampe dans la poussière,

Grimpe jusqu'à la muraille pour fouiller l'horizon,

Le sang m'emplit la bouche, mes yeux pleurent des cendres,

Mon corps est une torche ardente dans la ville.

L'ange a touché mon bras : "Dis-moi ce que tu vois ?"

"Je vois mon peuple en flammes sans larmes sans visages.

Un silence effroyable recouvre les pendus.

Ma ville est en haillons, je suis morte avec elle".

L'ange a touché mon bras. Je suis seule, haletante,

Le matin conciliant me berce doucement.

L'air est si transparent qu'on voudrait s'y noyer.

D'austères silhouettes noires sortent pour la prière.

Altier, le Mont du Temple resplendit au Levant,

Et je rentre chez moi. Je frissonne à demi.

Je suis la fille du Roi, maillon de l'infini,

Poussière d'Israël, graine du temps à venir.

Je me fonds dans ma ville et je flambe avec elle.

Francine Kaufmann, Jérusalem, 5 et 8 décembre 1978

Ce poème a été publié dans Sillages n° 7, Jérusalem, été 1982, p. 120-21, dans Approches n° 5, Université de 'Haïfa, 1987, p.121-122 et dans ARIEL n° 96, pp. 26-29 de l'édition française, Jérusalem, 1994. (Traductions dans les éditions d'Ariel n° 96 en anglais, allemand espagnol, russe)

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